top of page
Fougère_7[1]_edited.png

Les métamorphoses de l'eau vive

Yovan

Les pouces-pieds "percebes" en portugais, sont de curieux petits crustacés vivant sur les rochers marins. Dotés d'une forme d'alien et d'une chaire aux saveurs marines, ces animaux marins sont devenus des incontournables de la région d'Algarve. Ils font partie de ces êtres que Darwin ne pouvait classer. Le film, inclassable et polymorphe, en épouse toutes les caractéristiques, notamment le goût de la mer.


L'image est aqueuse, mouvementée, les traits ondulent puis se brisent sur une roche qui devient un coquillage, puis une ville. Les percebes deviennent corps, les corps deviennent espaces. Dans ce court-métrage d'animation d'Alexandra Ramires et Laura Gonçalves, la mer n'est pas déssinée. Les vagues ne sont pas animées. Pourtant, l'eau colore les images et les marées qui animent les traits. Les fresques mouvantes deviennent une odyssée du petit crustacé. L'image jaillit à nos yeux dans toute sa profondeur avant de se briser sur un coquillage minuscule devenu géant. Toutes les péripéties des petits fruits de mer, sont racontées, de la cueillette périlleuse sur les rochers tranchants de la côte portugaise, jusqu'à sa consommation par des touristes curieux·ses. L'image, en changeant d'échelle, métamorphose les corps. Le vivant, quant à lui, montre ce que nous, touristes, ne pouvons comprendre de la mer et de sa vie.


L'originalité de Percebes c'est d'être un documentaire d'animation, la parole des locaux y est recueillie avec la délicatesse de la cueillette des fruits de mer.

La force du film réside dans le contraste entre une animation riche et mouvante, et les témoignages d'une vie rythmée par un travail saisonnier qui devient routinier. L'attention apportée à la parole des habitant·es est touchante, les travailleurs et les travailleuses s'expriment dans un espace auquel iels sont profondément attaché·es. La composition sonore de l'espace laisse une place importante aux habitant·es de la côte et aux touristes. Composition prenant parfois une forme conflictuelle qui déborde sur l'image mais qui apporte finalement la richesse et l'équilibre nécessaire au bon fonctionnement de la vie de la petite ville. Enfin, ce contraste est également celui de la mer et de ses marées, d'abord agitée, donnant du fil à retordre aux deux pécheurs, elle finit par se calmer laissant un instant de répit et de calme entre deux saisons.


En s'ouvrant et se terminant sur la lune, le film rappelle que le corps de l'Homme est comme la mer et ses marées, il subit une force lointaine et incontrôlable qui l'ondule et finit par le métamorphoser en la forme étrange d'un crustacé qui se dresse vers le ciel.

bottom of page